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L’auteur Yorick Schmit

« Cette forme hybride entre le film et le livre conduit à une relation différente avec le livre »
© photo 1: Yorick Schmit

Inspirées par tous les exceptionnels ouvrages jeunesse exposés pendant les deux éditions d’AB / Augmented Books, les Rotondes se sont lancé un défi. Entouré∙e∙s d’une équipe 100% luxembourgeoise, nous publions D’Sandmeedchen, notre tout premier livre jeunesse, en réalité augmentée, qui plus est ! Nous vous proposons de rencontrer trois personnes qui ont rendu cette aventure possible.

D’Sandmeedchen est une collaboration entre toi, qui en es l’auteur, et Dirk Kesseler, qui a illustré l’histoire. Tu peux nous parler du processus de création? Le texte et les illustrations ont-ils été créés en même temps ou l’histoire était-elle complètement terminée avant les illustrations?

L’idée était soit de réinterpréter un conte connu, soit d’en écrire un tout nouveau. J’ai écrit un petit synopsis pour 5 histoires différentes et j’en ai discuté avec Dirk et les Rotondes avant de finalement en retenir une. Le marchand de sable est en fait une histoire que tout le monde connaît mais on en sait peu sur son contexte. Pour moi, le plus intéressant, c’était de créer une histoire autour de ce personnage. D’un côté, on a l’aspect moderne, l’histoire se déroule à notre époque, le marchand de sable prend sa pension, on voit une voiture. Mais à côté de ça, il y a aussi des images plus traditionnelles, l’homme dans la lune, les nuages.

L’histoire était donc pratiquement terminée avant que Dirk ne commence à dessiner, mais il était impliqué dans le processus depuis le début. Seuls de petits changements ont été apportés à l’histoire au cours de la création.

Ce projet est ta première collaboration sur un livre illustré. Était-ce un processus de travail complètement nouveau pour toi? Y a‑t-il eu des étapes plus faciles ou plus difficiles que prévu? As-tu dû laisser de l’espace pour que les illustrations viennent compléter le texte?

Le plus dur pour moi était d’écrire si peu de texte, maximum de deux à trois phrases par page. Raconter une histoire un peu complexe dans une forme aussi courte et ne pas céder à la tentation d’écrire plus, c’était la partie la plus difficile.

Normalement, l’écriture est une activité assez solitaire. Dans ce cas-ci, c’était un processus complètement différent, nouveau et inhabituel pour moi. Bien sûr, on part avec une idée en tête, par exemple à quoi ressemble Sandmeedchen. C’est intéressant et surprenant de voir comment quelqu’un d’autre l’imagine. Je dirais qu’il y a autant de Dirk que de moi dans D’Sandmeedchen. Cette collaboration était certes inhabituelle, mais elle a apporté un nouvel élan, une nouvelle forme de créativité qu’on ne peut pas développer seul.

Comment le texte et les images se complètent-ils? Quelle est la valeur ajoutée d’un livre avec illustrations et réalité augmentée par rapport à la narration sous forme de texte pur?

Le livre devrait fonctionner aussi bien pour les jeunes enfants que pour les parents, les adultes ne devraient pas s’ennuyer. C’est évidemment un exercice difficile car un enfant de 4 ans et un adulte n’ont pas grand-chose en commun. Je pense que l’histoire s’adresse principalement aux jeunes enfants, tandis que les dessins de Dirk plairont également aux adultes. Il existe un dialogue autant qu’une tension esthétique entre l’image et le texte car les illustrations ne sont pas des images typiques pour les enfants. D’un point de vue artistique, cette mise en opposition est intéressante.

La réalité augmentée est aussi quelque chose de nouveau pour moi. Ce mélange, cette forme hybride entre le film et le livre, conduit à une relation différente avec le livre. En le regardant à travers un écran, l’histoire ne se limite plus à la feuille de papier, les images prennent vie.

On l’a dit, ton récit est la suite moderne d’une histoire connue. En tant qu’auteur, que souhaites-tu que les enfants en gardent après l’avoir lue et découverte?

Je pense que c’est une histoire de solitude, quelque chose à laquelle les enfants peuvent s’identifier. Ce que je voudrais dire aux jeunes lecteurs, c’est qu’on pense parfois qu’on est seul∙e, mais qu’il y a toujours des gens qui sont là pour nous, qui viennent à nous si on les laisse faire. Une des dernières phrases est: «Tu n’es pas seule.» Dirk a représenté ça de manière magnifique, avec deux mains qui émergent des nuages pour se serrer.

C’est ton premier livre pour enfants. Qu’est-ce qui t’a donné envie d’à accepter ce projet? Y a‑t-il eu des défis particuliers à écrire pour le jeune public?

J’ai toujours voulu écrire un livre pour enfants. La catégorie d’âge à partir de 4 ans était un nouveau territoire pour moi, ça tenait de l’expérimentation. Ce qui m’a vraiment séduit, c’était l’idée de réinterpréter un conte. Je trouve ça passionnant de pouvoir jouer avec des formes, des stéréotypes, des clichés de contes classiques, avec les rôles assignés aux filles et aux garçons par exemple. En tant qu’écrivain, le côté subversif est intéressant à explorer. Et bien sûr, le volet réalité augmentée a piqué ma curiosité.

Pour moi, il était important d’arriver à écrire un texte qui ne fait que transmettre des informations tout en conservant mon propre style. J’ai souvent l’impression que les livres pour jeunes enfants sont écrits de manière très simple. Je tenais à utiliser quelques mots luxembourgeois un peu inhabituels, pour enrichir la langue sans la rendre trop difficile. Un numéro d’équilibriste!

À ton avis, pourquoi les parents devraient faire découvrir D’Sandmeedchen à leurs enfants?

Même si les enfants manipulent les tablettes très tôt, ils n’ont pas forcément fait l’expérience de la réalité augmentée sous cette forme, sur base d’un livre. C’est peut-être aussi un moyen d’encourager les enfants à lire, surtout celles et ceux moins intéressé∙e∙s par les livres.

En plus, on lit souvent les livres pour enfants le soir avant d’aller au lit. J’imagine qu’un livre sur le marchand de sable et sur Sandmeedchen mettra tout le monde dans de bonnes dispositions… et aidera peut-être à s’endormir.