The documentary play Wellbeing – Mental Noise is the culmination of a long process of research and creative work, and was initiated by Ministry of Education, Children and Youth to accompany a data update about youth’s situation in Luxembourg in 2021. We have met three people, who were involved at different stages of the project, including the director, Nathalie Moyen.
The director Nathalie Moyen
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Nathalie, ça fait 17 ans que tu travailles avec des jeunes. Est-ce que malgré cela, tu as été surprise par ce qui est revenu des workshops et ce que tu y as entendu?
À chaque fois, je suis impressionnée. Chaque jeune est unique. Tous les êtres humains le sont mais les adultes fonctionnent avec plus de schémas pré-établis alors que chez les ados, ça part dans tous les sens. D’ailleurs, au début du projet, je pensais creuser une certaine thématique mais j’ai vite réalisé que ce que j’avais en tête ne coïncidait pas avec les besoins des jeunes à ce moment-là. On était en pleine période Covid, beaucoup de choses avaient changé très vite. Ce qui revenait souvent, c’était la peur : de l’avenir, de ne pas être à la hauteur, de décevoir les gens autour d’eux/elles, de faire les choses de travers…
En dehors des workshops préparatoires, est-ce que les carnets d’accompagnement remplis par les jeunes t’ont aidée à comprendre les ados et à orienter ton travail?
Je ne pense pas qu’on puisse vraiment comprendre une personne, parce qu’on n’aura jamais le même vécu. Mais ces carnets m’ont fait passer par tellement d’émotions ! Pour les jeunes, tout est une découverte. Ils/elles sont dans une phase de transition, entre l’envie de rester enfant et l’envie de devenir adulte. Malgré leur courte existence, ils/elles ont déjà compris beaucoup de choses sans forcément avoir les mots pour l’exprimer ni la capacité de juger ce qui est bien ou mal. Ils/elles ne sont plus protégé·e·s comme quand ils/elles étaient enfants, la réalité leur fonce dessus, ils/elles sont perdu·e·s émotionnellement.
L’essentiel du projet est de montrer à quel point il est nécessaire pour les jeunes de pouvoir s’exprimer. Il faut qu’on leur donne la parole et qu’on prenne ce qu’ils/elles disent au sérieux. Il faut oser les laisser passer par des émotions difficiles. Il y a plein de jeunes qui m’ont dit : «J’ai tellement dans la tête que je n’arrive pas à me concentrer à l’école.» Je suis d’accord avec le psychopédagogue belge Bruno Humbeeck qui dit qu’il faut créer dans les écoles des espaces de parole entre élèves, où chacun·e serait libre de dire ce qu’il/elle a envie sans être jugé·e par les autres élèves.
On imagine que les jeunes ont parlé de beaucoup de choses différentes lors des workshops et dans les carnets, qu’ils/elles ont tou·te·s des préoccupations différentes. Tu as dû faire des choix, condenser certains thèmes?
Dans le spectacle, j’ai essayé de mettre à peu près 80% des carnets. On parle d’une centaine de carnets de 10 – 20 pages chacun et j’ai pris chaque page au sérieux. J’aurais pu faire une trilogie ! Pour refléter les différentes préoccupations, on a trois personnages. Il y a celui de Benoit qui est tracassé par un changement imminent dans sa vie. Il est question de déménagement dans un pays inconnu, sans savoir comment rencontrer de nouveaux·elles ami·e·s. Le deuxième personnage, celui de Cally (d’abord créé avec Jil Devresse), vit une réalité trop douloureuse et cherche à s’évader dans ses pensées. Le troisième personnage, incarné par Matteo (qui reprend le rôle de Thomas (Maz) pour cette édition), est plus sombre. Il va carrément détester le monde entier à un moment donné.
C’est un des projets les plus difficiles que j’aie réalisés jusqu’à présent, un vrai challenge parce que je ne me base pas seulement sur mon imaginaire : je dois expliquer la vraie vie des ados en une heure ! Il y a tellement d’émotions dans la vie et tellement de façons de les interpréter. C’est compliqué mais passionnant !
Est-ce que tu cherches à faire passer un message avec cette pièce?
Mon but avec Wellbeing, c’est de documenter l’état des jeunes pour qu’ils/elles voient qu’ils/elles ne sont pas seul·e·s dans leurs émotions, de mettre l’accent sur le fait qu’il faut parler de ce qu’on ressent, voire de réveiller les émotions chez celles et ceux qui ont appris qu’il faut se refermer sur soi-même pour fonctionner.
Ce qui compte aussi pour moi, c’est que les adultes qui viennent voir la pièce se remettent dans la peau d’un·e ado et se rappellent qu’ils/elles sont passé·e·s par là et se disent qu’ils/elles vont être plus attentif·ve·s quand un·e ado leur parle. Mais je ne suis pas là pour faire la morale. Le spectacle est simplement là pour parler de ce qui est humain : les émotions, le vécu, les questions qu’on se pose…
Qu’est-ce que ça te fait de revenir à la pièce trois ans plus tard ?
Avec le recul, je me suis rendu compte de l’ampleur du travail que toute l’équipe a investi dans le projet. Quand j’étais dedans, je ne voulais pas rater un truc, je voulais que tout le monde ait sa place, c’était très exigeant. Aujourd’hui, c’est comme dans le spectacle : je peux enfin regarder la pièce depuis le sommet de la montagne ! Tout est plus posé, je suis moins affectée émotionnellement par tout ce que j’ai entendu au cours des interviews avec les 160 jeunes. Je vois la pièce différemment aussi parce que moi-même, j’ai évolué et que mon regard a changé. C’est la preuve que chacun·e peut y relier ses expériences personnelles.
Et en même temps, la question de la santé mentale reste une thématique plus actuelle et plus urgente que jamais. On ouvre enfin les yeux sur l’importance d’oser en parler mais entretemps, le nombre de suicides a augmenté. Si à travers cette pièce, je peux inspirer au moins quelques enfants, voire quelques adultes, à en parler, leur faire réaliser qu’on est toutes et tous en train d’essayer de trouver notre voie dans cette vie, ce sera déjà un pas en avant.